Accoucher en maison de naissance

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PAR Anne-Laure

Si vous réfléchissez à la structure où accoucher, vous envisagez peut-être de le faire dans une maison de naissance. Après avoir abordé la question de l’accouchement naturel, approfondir le fonctionnement de ce type de structure m’a semblé judicieux. D’autant que j’ai la chance d’habiter à moins d’un kilomètre d’un des rares établissements en France. L’occasion était trop belle pour ne pas la saisir. J’ai donc sollicité une interview auprès d’Olivia Plaisant, sage-femme à l’origine de la maison de naissance de Guadeloupe. Elle nous a accordé quelques heures de son temps si précieux pour partager l’expérience de l’équipe du « Temps de Naître ». Elle y propose avec ses collègues sages-femmes en suivi global une approche personnalisée du suivi de grossesse jusqu’à l’accouchement physiologique.

Comment la maison de naissance « Le Temps de Naître » a-t-elle vu le jour ?

– Olivia Plaisant : Dans le cas de maison de naissance de Baie-Mahault, notre projet a débuté en août 2015 au moment où l’Etat a fixé par décret les modalités du dossier de candidature qu’il fallait remplir pour l’expérimentation. J’ai saisi la balle au bond pour contacter des consoeurs installées dans l’archipel afin de monter le projet et faire les démarches nécessaires. Nous avons été cinq sages-femmes à s’investir intensément pour monter en à peine un mois le dossier de candidature.

Il a fallu en particulier trouver un établissement de soins partenaire comme l’imposait le cahier des charges de la Haute Autorité de Santé relatif à l’expérimentation des maisons de naissance. En effet, la législation nous oblige à disposer de locaux contigus à une maternité. Nous avons eu la chance que la clinique des Eaux-Claires à Baie-Mahault nous fasse confiance et s’engage rapidement avec nous.

Au final, l’ouverture effective a eu lieu 18 mois plus tard, le 18 mars 2017.

Aujourd’hui nous louons nos locaux de 80 m2 au 2ème étage de la clinique des Eaux-Claires, sur le même palier que la maternité.

Notre espace est aménagé comme une maison avec une partie où nous recevons les familles pour les consultations et les préparations à la naissance. Elle se compose d’un salon, d’une cuisine, d’un bureau et d’une salle avec des tapis au sol. L’espace dédié à la naissance est formé d’une chambre, d’une salle de bain et d’une baignoire d’accouchement.

Quels sont les accouchements autorisés dans votre maison de naissance ?

– Olivia Plaisant : Seules des sages-femmes exercent en maison de naissance. Notre champ de compétence en toute autonomie est la physiologie. Les accouchements que nous pouvons réaliser sont ceux des femmes en bonne santé, ne présentant pas de risque identifié pour l’accouchement y compris au cours du suivi de la grossesse.

Nous leur offrons la possibilité de vivre un accouchement naturel et physiologique, sans intervention, médicalisé et sécurisé par notre présence et notre vigilance de sage-femme.

Aussi, certains types d’accouchement ne peuvent pas être pris en charge en maison de naissance :

  • Une grossesse multiple;
  • Une maman qui a déjà eu une césarienne;
  • Un bébé se présentant par le siège;
  • Une pathologie préexistante à la grossesse ou apparue pendant celle-ci nécessitant un suivi ou un traitement particulier (hypertension artérielle, diabète sous insuline…etc..).

L’accouchement d’une femme ayant un de ces contextes peut se faire de façon naturelle mais est plus approprié en maternité au sein d’une équipe pluridisciplinaire.

Comment est organisée votre maison de naissance ?

La maison de naissance de Baie-Mahault se compose d’une équipe

  • de 5 sages-femmes en suivi global (bientôt 6) responsables des suivis,
  • de 6 sages-femmes de soutien ayant leur activité libérale par ailleurs, venant seconder les premières au moment de l’accouchement,
  • et d’une secrétaire.

Elle est gérée par l’association Le Temps De Naître, dirigée uniquement par des sages-femmes au sein d’un conseil d’administration. Celui-ci se compose de 4 des sages-femmes fondatrices et d’une sage-femme en suivi global y exerçant.

Les sages-femmes sont toutes en exercice libéral, elles sont rémunérées par leurs actes et assurent des prestations de service pour la maison de naissance. Il s’agit notamment des astreintes et de la présence de la sage-femme d’appui à l’accouchement.

Le Fond d’Intervention Régional de l’Agence Régionale de Santé finance le fonctionnement de la maison de naissance.

Combien d’accouchements sont suivis chaque année par votre équipe ?

– Olivia Plaisant : Cette organisation nous permet de suivre environ une centaine de familles par an. Chacune sage-femme en suivi global réalise 4 suivis par mois à temps plein. Nous avons accompagné environ 60 accouchements par an depuis l’ouverture. Ce nombre est amené à augmenter avec les nouvelles sages-femmes qui nous ont rejoints.

Il y a toujours des réorientations possibles vers la maternité pour raisons médicales pendant la grossesse. Les parents accouchent alors à la maternité et nous les retrouvons pour le suivi à domicile après l’hospitalisation.

Il nous arrive régulièrement de refuser des demandes, soit parce que nous n’avons plus de place sur la période où l’accouchement est censé avoir lieu, soit parce que les parents s’y prennent trop tard.

A quel moment recommandez-vous de faire les démarches pour s’inscrire pour accoucher en maison de naissance ?

– Olivia Plaisant : Nous pouvons assurer le suivi dès le tout début, dès que la femme se sait enceinte, et au plus tard à partir de 6 mois de grossesse. Les parents nous contactent en général en remplissant le formulaire de contact de notre site Internet .

Nous organisons une réunion d’information mensuelle à la maison de naissance de Baie-Mahault. Nous convions tous les parents intéressés à venir s’informer. S’ils ont déjà accouché avec nous, ils n’ont pas besoin d’y assister. Lors de cette réunion, nous clarifions ce à quoi il faut s’attendre en accouchant en maison de naissance. Par exemple, si la future maman sait déjà qu’elle voudra une péridurale, alors nous l’orientons vers une maternité où l’accouchement sera plus approprié.

A l’issue de cette réunion d’information en groupe, les parents nous confirment s’ils veulent être suivis par notre équipe. Une des sages-femmes en suivi global les recontacte pour fixer un rendez-vous pour un entretien prénatal en couple, ou avec la personne qui soutiendra la femme pour la naissance, afin de faire plus ample connaissance.

Lors de ce rendez-vous d’une heure, nous échangeons sur leur projet et leurs attentes, sur leur environnement et les soutiens dont ils peuvent bénéficier. Si certains se sont déjà beaucoup renseignés et ont une démarche mûrement réfléchie, d’autres peuvent encore hésiter. Nous complétons leur information pour qu’ils fassent leur choix en conscience. Nous leur remettons un document écrit d’information et de consentement.

Leur sage-femme référente les rencontre une deuxième fois pour une consultation médicale de 1h30. Tout leur contexte médical est passé en revu pour s’assurer que la grossesse rentre bien dans le cadre de nos compétences de sage-femme. Si c’est bien le cas, les parents nous remettent leur document de consentement signé. L’inscription à la maison de naissance est alors confirmée.

Dans le cas où la femme enceinte était accompagnée jusque là par un autre professionnel de santé, elle l’informe que nous prenons le relais de son suivi.

Pourquoi choisir d’accoucher en maison de naissance ?

Les parents qui décident de faire naître leur enfant dans une maison de naissance ont-il des caractéristiques communes ?

– Olivia Plaisant : Pas du tout ! Nous accueillons tout type de familles. Ici en Guadeloupe, certains pourraient penser que l’accouchement naturel n’intéresse que certaines populations mais nous observons le contraire.

Cela n’est absolument pas réservé à un profile socio-économique. Nous accompagnons aussi des familles venant de tout horizon culturel et religieux, des personnes de toutes conditions financières. Certains peuvent être très modestes.

Ce qui compte pour nous c’est la motivation des parents à accoucher naturellement pour que nous ayons envie de prendre part à l’aventure avec eux.

Quelles sont les motivations des parents qui décident de faire naître leur enfant dans une maison de naissance ?

– Olivia Plaisant : Ils ont des motivations variées mais ces familles partagent l’envie de vouloir accoucher naturellement.

Nous notons un très fort besoin d’intimité et de respect de l’intimité du couple. Les familles souhaitent connaître l’équipe qui va s’occuper d’elles le jour J. Elles veulent établir une relation de confiance en amont de l’accouchement. Certaines ont aussi besoin que la dynamique de leur couple soit aussi prise en compte, le père et les autres enfants veulent avoir toute leur place.

Certains ont aussi envie d’un suivi personnalisé, non seulement pendant la préparation à l’accouchement mais aussi dans le retour à la maison. Et c’est bien le cas : nous connaissons les personnes que nous accouchons. Et c’est bien une famille que nous accompagnons. Nous fonctionnons en binôme ou en trinôme. Mais les parents auront rencontré les deux sages-femmes susceptibles de les accoucher en amont du jour J.

D’autres expriment également un fort attachement à leur liberté de mouvements. Les femmes veulent pouvoir se mobiliser comme elles veulent. Elles ne sont pas perfusées ou attachées à un monitoring foetal et nous ne les examinons parfois pas du tout. Certaines utiliseront un ballon, se mettront à quatre pattes,… Nous les accompagnons dans leur mouvements et surveillons le bébé à l’aide d’un doppler foetal mobile. Nous mettons aussi à leur disposition une baignoire pour celles qui veulent se détendre ou accoucher dans l’eau.

Certains parents viennent à nous car ils ont peur d’accoucher à l’hôpital ou ont une vision très stéréotypée de l’accouchement. Nous explorons alors avec eux leurs craintes et leurs besoins pour qu’ils aient les moyens de faire un choix plus éclairé, en conscience. Notre priorité est leur sécurité et celle de leur bébé et un transfert du suivi est toujours possible à la maternité quel que soit le moment.

L’accouchement naturel est-il une pratique qui connaît de l’ampleur en Guadeloupe ?

– Olivia Plaisant : Ce que nous observons en Guadeloupe ne correspond pas forcément aux tendances sur le reste du territoire français. En milieu urbain, l’accouchement naturel en maison de naissance s’inscrit souvent comme un retour au naturel. C’est une des facettes d’une attitude plus globale et d’une sensibilité aux questions environnementales (consommation de produits bio…).

En Guadeloupe, les femmes ont toujours eu tendance à accoucher de manière plus naturelle. Quand je suis revenue de mes études dans l’Hexagone, voici 20 ans, j’avais été frappée par la faible proportion de femmes qui voulaient une péridurale alors que c’était quasi systématique à Paris. Aujourd’hui la proportion de demande de péridurale a augmenté dans l’archipel mais elle reste en bien deçà de ce qui s’observe dans l’Hexagone.

Comment se passe le suivi de grossesse dans votre maison de naissance ?

Qui réalise les consultations de suivi de grossesse ?

– Olivia Plaisant : Les sages-femmes de la maison de naissance peuvent réaliser le suivi dès le retard de règles. Nous fonctionnons par équipe de deux ou trois sages-femmes. En trinôme pour la région de Grande-Terre et en binôme pour la région de Basse-Terre.

Une de nous est la référente des parents. A ce titre, elle assure les consultations de suivi médical de la grossesse et e partage les informations avec ses collègues. L’objectif reste d’avoir les mêmes connaissances quant à l’évolution de la grossesse.

A tout moment de notre suivi, nous s’assurons de la sécurité de la mère et de l’enfant. Le plan peut changer à tout moment de la grossesse : avant l’accouchement, le jour J pendant le travail et même post-accouchement. Si le besoin se fait ressentir, nous assurons le relais avec l’équipe de la maternité ou les professionnels libéraux.

Nos consultations de suivi comme les séances de préparation à la naissance ont lieu dans nos locaux au 2ème étage de la clinique des Eaux-Claires située à Baie-Mahault.

Salle d'examen de la maison de naissance de Baie-Mahault
Une ambiance chaleureuse pour accueillir les futurs parents à la maison de naissance « Le Temps de Naître »

Enfin, nous partageons le tableau d’astreinte avec les parents. Ils savent qui est là pour leur répondre et pour les accoucher quand la situation se présente.

Comment se passe la préparation à la maison de naissance « Le Temps de Naître » ?

– Olivia Plaisant : En fait, nous ne préparons pas seulement une femme, nous préparons une famille toute entière. Le père, ou la personne qui soutiendra la mère pour la naissance, est aussi important que la femme enceinte et son bébé. Lors des consultations comme lors des préparations à la naissance, ses questions et son point de vue nous intéressent.

Nous avons au total 7 entretiens de préparation qui durent entre 1h20 et 1h30. Ils se répartissent entre les 2 sages-femmes qui prendront en charge l’accouchement le jour J. Ainsi tout le monde se connaît et s’est déjà rencontré à plusieurs reprises.

Nous privilégions des séances avec 3 couples au maximum car nous avons noté que la dynamique de groupe est particulièrement enrichissante pour les participants. Chacun s’inspire des autres car personne ne pensera jamais à toutes les questions. Ici la notion de couple est importante : nous avons besoin des pères, sinon il nous manque des informations.

Nous n’avons pas de thèmes prévus, au contraire, le thème est libre à chaque rencontre. Nous préférons répondre aux questions que les parents se posent. Partir de là où ils sont permet qu’ils soient plus réceptifs aux informations que nous délivrons. Du coup, chaque séance est différente mais au final nous abordons de très nombreux sujets comme l’accouchement, les soins de grossesse, la sexualité, le couple, les relations avec le reste de famille, l’allaitement…

Comment se passe l’accouchement le jour J dans votre maison de naissance pour les parents ?

– Olivia Plaisant : Le plus souvent, du fait de la grande proximité que nous avons su établir en amont, les parents nous appellent quand ils pensent que le travail a commencé. Nous échangeons par téléphone et ils ne sont pas obligés de venir pour s’en assurer. Ainsi une grande partie du travail peut se faire chez eux.

Quand nous jugeons qu’il faut se retrouver, nous nous donnons rendez-vous à la maison de naissance.

De notre côté, nous arrivons un peu avant pour préparer la chambre. Nous faisons couler le bain avant leur arrivée pour leur éviter le bruit, nous allumons une lumière tamisée, nous pouvons aussi mettre de la musique. La sage-femme qui a fait le suivi accouchera la femme enceinte le jour. Mais son binôme est également présent même si elle ne se manifeste pas.

Chambre de la maison de naissance "Le Temps de Naître"
Chambre de la maison de naissance « Le Temps de Naître »

De leur côté, les futurs parents arrivent en terrain connu. Ils n’ont pas besoin d’apprivoiser un environnement inconnu comme à l’hôpital. Du coup, il y a moins de stress. C’est une continuité de la maison. La maman arrive et accouche avec ses vêtements.

Nous nous efforçons d’avoir une présence la plus discrète possible pour respecter l’intimité du couple. Nous faisons le lit avec les draps que les parents amènent. L’idée est que les futurs parents puissent se comporter comme si nous n’étions pas là, tout en bénéficiant de notre attention exclusivement pour eux.

Nous ne posons pas systématiquement de perfusion ou de monitoring pour laisser la liberté de mouvement. Mais tout est là, tout est prêt si besoin. En revanche, nous écoutons régulièrement le rythme cardiaque du bébé avec un doppler foetal portable qui va aussi dans l’eau.

De la même manière, nous ne réalisons pas systématiquement un toucher vaginal. Comme nous connaissons les femmes, nous savons reconnaître un comportement qui change, une densité des contractions qui s’accentue… En moyenne nous examinons 1 femmes sur 5 pendant l’accouchement. En revanche, nous écoutons régulièrement les mouvements cardiaques du bébé.

Nous essayons de suivre au maximum la maman dans ses mouvements. Il nous arrive d’aider son mari à la soutenir ou de le guider dans ses gestes. Nous sommes aussi là pour répondre au besoin de soutien ou de réassurance du papa. Nous pouvons aussi placer des alèses au sol ou un tapis sous ses genoux pour son confort.

Notre communication vise à encourager s’il y a un moment de doute et à rassurer sur les sensations éprouvées pour que cela se passe le mieux possible.

Les femmes qui accouchent en maison de naissance peuvent-elles boire et manger ?

– Olivia Plaisant : Cela fait longtemps que des études scientifiques ont montré qu’il n’y avait pas de risques à ce que les femmes boivent ou mangent à leur convenance pendant le travail. Il y a 20 ans lors d’un stage en Nouvelle-Zélande, j’ai observé un distributeur de boissons mis à disposition des femmes en travail dans un hôpital. Les pratiques ont encore à évoluer en France pour le plus grand confort des femmes.

En général, on observe qu’un tiers des mamans grignotent des aliments légers et que deux tiers demandent à boire. Bref, les femmes se régulent d’elles-mêmes.

Quels sont les critères qui peuvent vous faire réorienter la future maman vers une structure hospitalière en cours d’accouchement ?

– Olivia Plaisant : Les transferts en cours de travail sont peu nombreux et rarement urgents. Ils sont motivés par des stagnations de la dilatation ou par une demande d’une péridurale. Même si elle voulait et pensait pouvoir vivre un accouchement naturel, la femme peut changer d’avis et nous respectons son choix.

Plus rarement, nous pouvons aussi observer un début d’hémorragie de la délivrance qui est une indication de transfert à nos collègues de la maternité des Eaux Claires. Plus rarement encore, le transfert peut se justifier par une détresse respiratoire du nouveau-né.

Quelle que soit la situation, nous avons l’équipement et les compétences pour faire les soins d’urgence pour la mère ou l’enfant et stabiliser leur état avant d’effectuer un transfert vers la maternité adjacente.

Nous nous mettons en relation avec l’équipe de la maternité pour transmettre les informations médicales nécessaires. Ainsi l’établissement est prêt pour à accueillir les parents ou le nouveau-né et prendre le relais des soins.

Notre convention avec la clinique Les Eaux Claires détaille les relations entre la maison de naissance et la maternité. Celles-ci sont très cordiales entre les deux équipes. Par ailleurs, nous faisons partie du réseau périnatal et nous nous mettons aussi en relation avec les autres établissements de santé de l’archipel ou les professionnels libéraux si besoin.

En fait, la majorité des transferts s’observe avant le jour de l’accouchement, dans un contexte non urgent. Ils ont lieu en grande majorité vers la clinique de Eaux-Claires et correspondent à des situations qui ne relèvent pas des urgences :

  • si le terme est prolongé,
  • en cas de rupture de la poche des eaux de plus de 24h,
  • en cas un petit poids ou restant en position du siège à 8 mois de grossesse,
  • ou si la future maman souffre d’hypertension artérielle ou d’un diabète non équilibré par le régime seul…etc.

Tous les trois mois, nous faisons un point régulier avec nos collègues de la clinique sur les transferts réalisés. Nous regardons comme nous pouvons encore améliorer notre collaboration. Le tout se passe dans une excellente ambiance. D’une manière générale, nous travaillons en réseau avec tous les autres professionnels de santé de Guadeloupe.

Comment se passent les premières heures de vie du bébé lorsqu’il naît au Temps de Naître ?

– Olivia Plaisant : Le bébé est accueilli par ses parents ou par nous. Quelques minutes après la naissance, nous accompagnons la maman sur le lit présent dans la chambre de naissance. Elle s’y allonge avec le papa. Le bébé est à leurs côtés en peau à peau avec sa maman dès ses premières instants de vie. Il reste ainsi pendant les deux premières heures environ.

Durant cette période nous observons la manière dont il s’adapte à son nouvel environnement. Mais nous n’intervenons pas quand tout va bien. Nous laissons la priorité à la rencontre entre les parents et le nouveau-né.

En général, le bébé se met à téter quand il est prêt et cette première tétée peut durer assez longtemps. La maman peut se redresser ou se déplacer pour se délivrer du placenta. Le papa coupe le cordon lorsque le cordon a fini de battre.

Quand le bébé n’a plus faim et commence à vouloir s’endormir, nous le prenons pour l’emmener sur notre table à langer murale située au pied du lit. Ce n’est qu’à ce moment là que nous le pesons et le mesurons. Une fois que cet examen clinique complet est réalisé, le papa prend le relais pour l’habiller.

Ce n’est qu’ensuite que le bébé peut alors s’endormir et / ou reprendre le sein encore une fois. La mère peut alors se restaurer et prendre une douche avant que la famille ne quitte la maison de naissance.

Comment ça se passe une fois que bébé est né ?

– Olivia Plaisant : Les mamans qui accouchent à l’hôpital y restent 3 jours après la naissance. Dans une maison de naissance, cette étape n’existe pas.

Quelle que soit l’heure de l’accouchement, 3 à 4 heures après avoir accouché les parents rentrent chez eux. Notre expérience nous démontre que cette durée est adaptée.

Nous avons eu le temps nécessaire à l’effervescence de la mise au monde et à la rencontre avec bébé. Celui-ci à eu le temps de s’adapter et découvrir la tétée avec sa mère. Les parents ont eu le temps de se restaurer et de se reposer. Auparavant, le retour se faisait 6 heures après la naissance. Mais nous nous sommes aperçues que le besoin de rentrer chez soi se manifestait plus tôt entre 3 et 4 heures. Cette durée peut varier d’une maison de naissance à d’autres. Selon nous, 2h est trop juste pour avoir pris le temps.

Les parents ne rentrent que quand nous nous sommes assurées que tout se passe normalement pour la mère et le nouveau-né. Le premier rendez-vous à leur domicile est fixé avant leur départ. Nous restons d’astreinte et en cas de besoin ils peuvent nous contacter avant notre passage chez eux.

Comment se passe le suivi une fois la famille revenue à la maison ?

Ensuite, nous assurons un suivi régulier pendant les 12 premiers jours après la naissance. Donc la place de la maison de naissance post accouchement est bien réelle même s’il se fait à domicile, chez les parents. Nous continuons à suivre la maman et le nouveau-né, et à répondre aux interrogations des parents. Nous les accompagnons pour les soins et l’allaitement du bébé, le premier bain également.

C’est d’ailleurs aussi le cas si nous avons dû faire un transfert en cours de travail. Nous prenons le relais pour le suivi à domicile une fois que les parents sont rentrés chez eux.

Durant les 4 premiers jours qui suivent la naissance, nous faisons une visite quotidienne d’1h environ. Puis nous les espaçons pour venir tous les 2 ou 3 jours. Au 8ème jour, les parents consultent à son cabinet, le pédiatre ou le médecin qui va prendre le relais du suivi médical de leur bébé.

Et là encore, si nous constatons le moindre souci, nous pouvons organiser une hospitalisation de la maman ou du bébé. Ce sont par exemple pour des cas très rares d’infection ou d’ictère.

Quels sont les tarifs pour accoucher dans une maison de naissance ?

– Olivia Plaisant : Le prix pour accoucher en maison de naissance est variable selon les structures. Mais nous pratiquons des dépassements d’honoraires pour pouvoir vivre de notre activité.

En effet, la sécurité sociale n’a pas mis à jour sa grille d’acte ni créé d’actes pour le suivi global. Ainsi la deuxième sage-femme qui est présente en soutien de la sage-femme principale qui accouche n’est pas prévue. Donc elle n’est pas rémunérée alors qu’elle est bien présente.

La charge de travail est très importante et les astreintes nombreuses. Là aussi, il n’y a pas d’acte non plus pour les astreintes. Chaque binôme est d’astreinte la moitié de l’année. En moyenne, un accouchement dure 10h de temps mais il peut nous mobiliser jusqu’à 24h.

Le forfait est fixé à 350 euros pour un accouchement par la sécurité sociale. Cette tarification n’est pas à la hauteur du temps investi et ni de la disponibilité exclusive de la sage-femme pour un seul couple. Aussi, nous facturons un dépassement de 500€ pour l’accouchement.

Le remboursement par la mutuelle est possible mais varie selon les organismes. Donc nous faisons un devis que nous remettons aux parents au préalable pour qu’ils puissent se renseigner sur le montant qu’il leur restera éventuellement à charge. Nous pratiquons également un dépassement de 25 euros par consultation étant donné qu’elle dure 1h.

Dans le cas des personnes les plus modestes qui n’auraient pas de mutuelle, nous leur proposons de bénéficier d’un fonds d’entraide que nous avons mis en place. Nous l’activons quelques fois par an sur présentation de justificatif. Il est important pour l’équipe que l’aspect financier ne soit pas un obstacle si les parents ont la volonté d’accoucher naturellement.

Où trouver une maison de naissance ?

– Olivia Plaisant : L’appel à candidature lancé par l’Etat en août 2015 a autorisé 8 établissements en phase d’expérimentation;

Y-a-t-il des différences selon les régions et les structures ?

– Olivia Plaisant : Toutes les régions de France ne disposent pas d’une maison de naissance.

La loi du 6 décembre 2013 a rendu possible l’expérimentation des maisons de naissance pour 5 ans. Le Temps de Naître a ainsi fait partie des 8 premières maisons de naissance en France.

La loi du 13 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale a mis fin à l’expérimentation et fait entrer les maisons de naissance dans le droit commun.

12 maisons de naissance supplémentaires devraient voir le jour à partir de 2022.

Mais même ainsi, il restera encore des inégalités d’accès aux maisons de naissance selon le lieu où l’on vit.

Y-a-t-il une procédure de contrôle de la part de vos autorités de tutelle ?

– Olivia Plaisant : Chaque année, nous remettons un rapport d’évaluation à l’ARS et au ministère de la santé. Tous les sept ans nous devons faire un dossier de demande de renouvellement d’autorisation. En plus de notre activité, cela représente une charge de travail importante pour rassembler les données, élaborer des statistiques, les interpréter et rédiger un rapport d’une centaine de pages.

Mais nous sommes allées au delà de la demande de nos autorités de tutelle pendant la phase d’expérimentation. Nous avons décidé, avec les autres maisons de naissance, d’utiliser un outil commun (AUDIPOG) pour collecter toutes les données et faciliter une analyse ultérieure.

Et une équipe de l’INSERM a pu étudier les données et a consigné ses analyses dans le rapport Chantry. Les résultats sont consultables en ligne et démontrent la réalité de la sécurité et de la qualité de la prise en charge avec une très faible fréquence d’intervention dans les maisons de naissance.

Quelles actions pourraient faciliter l’essor des maisons de naissance en France ?

– Olivia Plaisant : Une première action à mener consiste à améliorer la formation des sages-femmes pour faire connaître cet accompagnement. Nos équipes devraient intervenir dans les écoles et les étudiantes devraient pouvoir réaliser des stages au sein de nos structures.

Un autre point important porte sur l’accessibilité financière des maisons de santé. Pour cela, il faudrait que la sécurité sociale revalorise certains actes et en crée des nouveaux. Cela diminuerait le montant des dépassements d’honoraires pour les parents et permettrait aussi une meilleure rémunération des sages-femmes. Or c’est important pour attirer des sages-femmes vers nos structures. Plus de monde permettrait aussi de mieux répartir une charge de travail très importante.

Enfin, nous souhaitons faire connaître cette offre de soins à un maximum de parents car les maisons de naissance reposent aussi sur l’implication des familles. Elles militent pour que ce type de structure voit le jour et soutiennent les équipes de sages-femmes qui y travaillent.

Quels sont les projets de votre maison de naissance ?

– Olivia Plaisant : Les projets du « Temps de Naître » à court terme passent par des travaux au sein de la clinique pour disposer d’une deuxième chambre de naissance. C’est prévu d’ici la fin de l’année 2022. Nous prévoyons aussi d’agrandir l’équipe avec deux nouvelles recrues pour passer à 6 sages-femmes.

Salle de préparation à la naissance à la maison de naissance "Le Temps de Naître"
L’équipe des sages-femmes se réunit régulièrement pour échanger

Les 8 maisons de naissance ont créé l’association du Collectif Des Maisons De Naissance françaises en décembre 2020. Nous échangeons régulièrement avec nos homologues des autres territoires français depuis notre création. Mais nous avons besoin d’être davantage reconnues par les pouvoirs publics pour développer notre offre de soins.

Nous souhaitons que la législation puisse évoluer pour ne plus imposer la contiguïté à un établissement de santé. Nous pourrions alors imaginer avoir une vraie maison à proximité de la clinique des Eaux-Claires bien sûr. Mais avec un jardin pour les enfants et un peu plus d’espace, nous disposerions alors d’un lieu plus adéquate à la vie associative et aux échanges en dehors du temps de suivi. Dans nos locaux actuels, nous manquons de place alors que les parents aimeraient continuer à se rencontrer, y après l’accouchement.

En guise de conclusion

Si vous avez accouché en maison de naissance, que ce soit en Guadeloupe au « Temps de Naître » ou ailleurs dans le monde, vous pouvez partager votre expérience à nos lecteurs en commentaire. Vous pourrez ainsi vous aussi aider des futures mamans à faire le choix en s’appuyant sur vos témoignages d’accouchement en maison de naissance.

Un très grand merci à Olivia PLAISANT, sage-femme fondatrice de la maison de naissance et présidente de l’association Le Temps de Naître à Baie-Mahault en Guadeloupe.

L'équipe de la maison de naissance "Le Temps de Naître" quasiment au complet
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Anne-Laure
Anne-Laure est la maman d'un petit garçon de 8 ans. Fondatrice de Petite Crapule, depuis sa grossesse elle n'a pas arrêté de s'informer sur la maternité et la parentalité. Elle partage ici ses recherches et expériences de maman blogeuse, entrepreneure et auteure.

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