Les effets des écrans sur les jeunes enfants : vérités et contre-vérités

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PAR Anne-Laure

Les écrans sont aujourd’hui omniprésents dans notre vie quotidienne et celle de nos enfants. C’est d’autant plus vrai dans notre famille où Papa Crapule et moi-même travaillons dans le digital. Je crois avoir pu dénombrer jusqu’à 8 écrans. Or nous ne sommes que 2 à en utiliser à la maison. Donc connaître précisément les effets des écrans sur les jeunes enfants nous a fortement intéressés dès que Stanislas est né. Je vous résume ici l’état des connaissances et recommandations en la matière.

L’impact de la lumière bleue sur le sommeil

Les effets délétères des écrans sont d’abord et avant tout liés à leur usage nocturne car celui-ci perturbe un de nos biens les plus précieux : le sommeil. Ce besoin physiologique est essentiel pour notre santé tant physique qu’émotionnelle et notre capacité à apprendre. Cela vaut pour les adultes comme pour les enfants.

Or les écrans et leur éclairage émettent de la « lumière bleue » invisible pour nos yeux. Le soleil nous en envoie tout au long de la journée. Cela nous permet alors de nous maintenir éveillé et alerte. En revanche, le soir, la lumière bleue perturbe notre « horloge interne ». En effet elle ralentit voire empêche le corps de produire une hormone qui contribue à l’endormissement : la mélatonine. Des troubles du sommeil avec un report de l’endormissement et du réveil au matin comptent parmi les premiers effets observables.

D’ailleurs, plusieurs études scientifiques ont porté sur les effets des écrans sur les jeunes enfants, en particulier sur leur sommeil. Si vous êtes bilingue, vous pouvez les consulter en ligne :

Les jeunes enfants ont particulièrement besoin de sommeil pour bien grandir et se développer. Il faut être donc être particulièrement vigilant sur l’usage des écrans. Or dans la pratique, rares sont les enfants qui évoluent dans de bonnes conditions. Dernièrement une étude canadienne réalisée sur 4512 enfants américains de 8 à 11 ans a dressé un triste constat. Seulement 5% des participants respectent les trois recommandations établies par la Société canadienne de physiologie de l’exercice : moins de 2 heures d’écran, 60 minutes de sport et 9 à 11heures de sommeil par jour. (Source : Associations between 24 hour movement behaviours and global cognition in US children: a cross-sectional observational study)

L’impact des écrans sur les résultats scolaires

L’impact de la télévision sur les enfants américains a fait l’objet d’études épidémiologiques dès les années 80. En 1995, une évaluation globale des études réalisées jusqu’alors posait la conclusion suivante : « le temps passé par les enfants et adolescents américains à regarder la télévision est associé négativement avec leurs performances scolaires. »

Les nouveaux écrans apparus depuis – smartphones, tablettes et ordinateurs – ont vocation à produire les mêmes effets si un mauvais usage, combinant une utilisation nocturne à une absence de contrôle parental, en est fait.

L’impact des écrans sur le développement du langage

Pour pouvoir acquérir le langage, le nourrisson puis le bébé ont besoin d’entendre leurs parents parler, leur raconter des histoires. Ce dialogue est primordial à l’apprentissage du langage. Lorsque la télévision ou les écrans occupe l’enfant pendant une durée significative chaque jour, celui-ci perd de nombreuses opportunités d’échange. Avec les écrans, ce sont les éléments visuels qui priment sur l’auditif comme l’explique très finement la linguiste Véronique Rey dans l’interview ci-après. Je ne peux que vous conseiller d’écouter ce décryptage du processus d’apprentissage du langage.

L’incidence des écrans sur le langage ? - V. Rey - Yapaka.be

D’ailleurs déjà en 2009, l’Association Américaine de Pédiatrie recommandait d’éviter les écrans pour les bébés de moins de 2 ans. Sept études avaient déjà documenté de possibles retards de langage chez les enfants de moins de deux ans exposés à la télévision ou aux vidéos. A l’inverse aucune étude n’a démontré à ce jour les effets bénéfiques d’une exposition aux écrans.

Cet impact sur le langage constitue pour moi l’un des effets des écrans sur les jeunes enfants le plus préoccupant. Nous avons fait le choix d’un mode éducatif quasi sans écran pour Stanislas. C’est un choix exigeant, surtout dans un environnement où beaucoup de parents jouent la carte des écrans pour avoir la paix. Aujourd’hui en petite section, il dispose d’un très large vocabulaire. Cela nous conforte dans notre choix et nous motive à continuer sur la voie d’un usage mesuré et raisonnable.

L’impact des écrans sur l’attention

Nous avons tous constaté que les enfants sont littéralement absorbés par les écrans. Certains adultes sont donc enclins à penser, à tort, que les écrans stimulent la concentration. Or ces mêmes enfants éprouvent de grande difficulté à se concentrer pour réaliser un devoir scolaire en classe.

En fait, comme l’explique « Effets de l’exposition chronique aux écrans sur le développement cognitif de l’enfant », article paru dans les Archives de pédiatrie en 2012, nous confondons ici deux systèmes d’attention différents :

  • un système d’orientation de la vigilance vers les stimuli lumineux externes,
  • un système de contrôle volontaire de l’attention. Ceci nécessite la motivation, la capacité à tolérer les émotions négatives parfois engendrées par la difficulté, la capacité à résoudre un problème sans le soutien et la présence d’un adulte.

Et la violence dans tout ça ?

Souvent les écrans sont mis en cause car ils seraient à l’origine d’une plus grande violence de la part des enfants consommateurs d’écrans. N’ayant pas encore eu le temps de me documenter suffisamment à ce sujet, je préfère m’abstenir d’en parler. J’actualiserai mon billet concernant les effets des écrans chez les jeunes en matière d’agressivité, si possible rapidement.

Etant donnés tous ces impacts, les pouvoirs publics de nombreux pays cherchent à établir des recommandations pour guider les parents. D’autant plus qu’une fracture grandissante se dessine. D’une part des enfants accompagnés pour tirer le meilleur du numérique, et d’autre part des enfants vulnérables livrés à eux seuls face aux écrans. En fixant des paliers par âge, les pouvoirs publics cherchent à s’assurer que chaque enfant, quel que soit son milieu social, soit « équipé » pour tirer le meilleur de la révolution numérique à l’œuvre.

Recommandations pour lutter contre les effets des écrans sur les jeunes

Il est aujourd’hui admis que l’usage des écrans doit être modulé en fonction de l’âge des enfants. Toutefois définir « une norme » des usages des écrans pour chaque âge n’est pas évident, de l’aveu même des spécialistes comme Serge Tisseron. La position de ce psychiatre, très actif sur le sujet, guide l’approche à laquelle j’adhère. Dans son ouvrage « Grandir avec les écrans », il adopte une position mesurée qui vise à un usage raisonné et raisonnable des écrans.

Les paliers présentés ci-dessous reprennent la campagne de communication « Maîtrisons les écrans : La campagne 3-6-9-12 » mise en place par la Fédération de Wallonie-Bruxelles. Vous pourrez trouvez tous les détails en particulier pour les enfants plus âgés sur http://www.yapaka.be/ecrans

En 2019, l’Académie nationale de médecine, l’Académie des sciences et l’Académie des technologies ont formulé un appel sur ces questions. « L’enfant, l’adolescent, la famille et les écrans : appel à une vigilance raisonnée sur les technologies numériques » insiste sur le rôle crucial des parents pour les jeunes enfants. Celui-ci se joue à deux niveaux :

  • dans notre fonction de modèle pour nos enfants
  • dans les règles que nous instituons pour permettre un usage raisonné des écrans.

De 0 à 3 ans, pas de télévision

Le bon développement des bébés et leur capacité à apprendre requièrent d’interagir spontanément avec leur environnement grâce à leurs 5 sens. L’essentiel réside dans des activités simples : d’une part jouer, toucher et manipuler les objets qui les entourent; d’autre part, être entouré d’attention et échanger par le regard et la parole avec leurs parents.

Pour développer ses 5 sens, pas d'écran avant 3 ans

Progressivement, le bébé doit aussi apprendre à faire face à l’absence et à l’ennui. Or en plaçant les enfants devant des écrans pour les occuper, les parents les habituent à avoir toujours un objet d’attention. Et les jeunes enfants se plaignent de s’ennuyer dès que la stimulation n’est plus là. Il faut à tout prix éviter ce cercle vicieux qui peut avoir des conséquences à long terme : lorsque l’enfant grandira, il risque d’avoir un besoin insatiable de consommer, des écrans mais pas seulement.

Les parents peuvent proposer des tablettes interactives aux bébés sous réserve de respecter quelques règles d’utilisation : « sur des périodes courtes (dix minutes par jour), toujours accompagné par un adulte, sans autre objectif que jouer, et avec des logiciels adaptés » (source : « Grandir avec les écrans : la règle 3-6-9-12 » de Serge Tisseron). Elles ne sont absolument pas nécessaires au développement de l’enfant.

De 3 ans à 6 ans

Les écrans interactifs peuvent être introduits mais des règles (durée, horaire, uniquement dans le salon familial) doivent être clairement définies pour qu’un usage raisonné puisse être fait. C’est la période décisive pour installer les bonnes pratiques. Nous sommes en plein dedans avec notre petite crapule. D’ailleurs, je vous invite à consulter mes conseils sur comment réussir à limiter l’usage des écrans chez les jeunes enfants.

Parmi les principales recommandations pour circonscrire les effets des écrans sur les jeunes enfants, citons :

  • Le plus souvent des âges sont indiqués pour les programmes, les DVD ou les jeux vidéos. Assurez-vous de les respecter.
  • Préférez toujours les jeux vidéo où on joue à plusieurs dans la même pièce aux jeux qu’on joue seul.
  • Priorité doit rester aux activités sollicitant tous les doigts de la main comme le dessin et le modelage. Ceci afin de favoriser la motricité fine qui n’est pas encore acquise. Pour stimuler sa créativité, privilégiez les jeux avec les autres.

En complément, je vous invite à retrouvez les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour les enfants de moins de 5 ans. Pour résumer : consacrez moins de temps aux activités sédentaires et plus au jeu, tout en protégeant le sommeil !

Entre 6 et 9 ans

Des règles claires doivent toujours guider un usage raisonné des écrans en particulier en matière de durée. Les parents doivent chercher à favoriser l’autorégulation comme l’explique Serge Tisseron dans la vidéo ci-dessous.

« Maîtrisons les écrans » A partir de 6 ans, fixez un temps d'écran - S.Tisseron - Yapaka.be

L’école peut commencer à solliciter l’enfant pour aller chercher des informations sur Internet. Donc le temps d’écran va mêler un temps de jeu et un temps de recherche.

Il est important que l’enfant comprenne qu’une journée s’organise autour de différentes activités et que les écrans ne sont qu’une seule de celles-ci. La trop grande sédentarité liée aux écrans favorise la prise de poids. L’enfant doit donc aussi pratiquer une activité physique, si possible quotidiennement. En complément, vous pouvez les initier à d’autres pratiques comme leur apprendre à jouer aux échecs.

Enfin il est essentiel de pouvoir dialoguer avec vos enfants des images qu’ils voient. Suivez donc un minimum les jeux vidéo comme Fortnite, les films et les feuilletons que vos bambins regardent. Renseignez-vous sur le contenu des jeux comme Roblox auxquels vos fripouilles vont tôt ou tard vous demander de jouer. Entamez des discussions autour des thématiques abordées directement ou indirectement dans les programmes visionnés par vos enfants.

FAQ sur les effets des écrans sur les jeunes enfants

Quels sont les risques de surexposition aux écrans ?

Une trop grande exposition aux écrans, en particulier en soirée, perturbe le sommeil en raison de la lumière bleue invisible pour nos yeux. Elle a également des conséquences en matière de développement cognitif et provoque des troubles de l’attention. Elle impacte les résultats scolaires et provoque des retards dans l’acquisition du langage chez les jeunes enfants.

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Anne-Laure
Anne-Laure est la maman d'un petit garçon de 6 ans. Fondatrice de Petite Crapule, depuis sa grossesse elle n'a pas arrêté de s'informer sur la maternité et la parentalité. Elle partage ici ses recherches et expériences de maman blogeuse, entrepreneure et auteure.

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