Boire de l’eau du robinet enceinte : est-ce recommandé ?

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PAR Anne-Laure

L’eau est clairement l’élément que vous allez le plus consommer pendant 9 mois. En temps normal, un adulte doit boire entre 1,5 et 2 litres par jour. La femme enceinte voit ses besoins en eau augmenter pour mener sa grossesse en bonne santé et subvenir aux besoins du fœtus. Or de plus en plus, les médias nous alertent sur la pollution des rivières et des nappes phréatiques. Aussi vous avez peut-être des doutes et souhaitez savoir si vous pouvez boire de l’eau du robinet enceinte.

Pendant sa grossesse, la future maman peut boire de l’eau du robinet enceinte sans craindre pour sa santé et celle du fœtus. En effet, une réglementation très stricte fixe des normes sur près de 70 critères. De plus, le législateur a prévu une procédure d’alerte immédiate en cas de danger pour la santé.

L’eau du robinet : comment est-elle captée ?

Quand vous ouvrez votre robinet pour boire de l’eau enceinte, le liquide que vous buvez peut provenir :

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  • soit d’une captation en surface : dans un lac, dans une rivière ou un fleuve,
  • soit d’une captation souterraine, comme pour les eaux de sources, ce qui suppose un forage.
Station de pompage de l'eau du robinet
Station de pompage de l’eau du robinet

A l’état brut du prélèvement, l’eau n’est pas potable et ne peut donc être bue en l’état par quiconque. En effet, elle peut contenir :

  • des parasites susceptibles de transmettre des maladies,
  • des substances toxiques comme des polluants qui peuvent affecter votre santé à moyen ou long terme.

Enfin, sachez que les 33 000 lieux de captages situés en France font l’objet de périmètres de protection. Il s’agit d’éviter la contamination des eaux, tant accidentelle que malveillante.

Quels sont les traitements autorisés ?

Acheminée par les canalisations vers une usine de potabilisation, l’eau du robinet subit différents traitements pour la rendre potable.

On désinfecte l’eau pour retirer les éventuels virus ou bactéries susceptibles d’affecter la santé humaine. Aussi, un ajout de chlore permet de la rendre consommable, mais toujours sans danger puisque les quantités utilisées s’inscrivent dans les limites autorisées. Pour retirer certains polluants (pesticides, hydrocarbures, etc.), un système de filtration au charbon actif peut aussi être mis en œuvre.

À ce stade on peut aussi réaliser des traitements pour limiter la dissolution du plomb des vieilles canalisations intérieures. L’objectif étant de réduire ainsi l’éventuelle exposition de la population au plomb via l’eau du robinet.

Eau du robinet en train de couler
Eau du robinet en train de couler

Qui fixe les normes en matière de potabilité ?

L’OMS a défini des critères de potabilité de l’eau en 2006. Ceux-ci servent de base à la directive de l’Union Européenne n° 98/83/CE du 03/11/98 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. À l’échelle de la France, le Code de la santé publique (CSP) établit une liste d’environ 70 critères pour juger de la qualité de l’eau. Tout ceci s’inscrit dans la lignée de la directive européenne et donc des recommandations de l’OMS. Cette directive européenne a été mise à jour en décembre 2020 mais à l’heure où j’écris cet article, elle doit encore être transposée en droit français d’ici 2022.

Pour s’assurer que la consommation de l’eau ne présente aucun danger pour la santé humaine et donc pour les futures mamans, il y a deux aspects principaux à prendre en compte :

  • La potabilité microbiologique : c’est l’absence, ou la présence à des taux suffisamment faibles, de micro-organismes susceptibles de provoquer des maladies graves et contagieuses. Par exemple, on teste la présence de la bactérie Escherichia coli pour détecter la présence de matière fécale.
  • La potabilité chimique : c’est l’absence, ou la présence à des taux suffisamment faibles, de substances toxiques susceptibles de provoquer des maladies à plus ou moins long terme. Rentrent dans cette catégorie l’arsenic, l’aluminium, le cuivre, le mercure mais aussi pesticides ou encore les nitrates…

Comment sont fixés les normes et les seuils recommandés ?

D’abord, précisons que ces normes évoluent au fur et à mesure de la mise en évidence de nouvelles connaissances et de leur prise en compte par le législateur.

Ainsi pour le plomb, il a abaissé la teneur maximale autorisée dans l’eau au robinet en 2013 pour la fixer à 10 microgrammes par litre contre 25 précédemment.

La directive européenne mentionnée plus haut encadre en effet la présence des pesticides, des nitrates, du plomb ou encore d’autres substances. Elle impose un suivi permanent de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH).

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Pour chaque substance, des contrôles réguliers permettent de détecter les éventuels dépassements par rapport au seuil établi. On distingue :

  • Les limites de qualité (LQ) aussi bien sur les critères microbiologiques que chimiques : ces valeurs doivent être impérativement respectées pour que la qualité de l’eau soit déclarée conforme. Elles sont fixées pour protéger la santé du consommateur.
  • des références de qualité (RQ), aussi bien sur les critères microbiologiques que chimiques : ce sont des valeurs indicatives qui visent à assurer le bon fonctionnement des installations.

La différence entre les deux tient à la manière dont les situations de dépassement / non-conformité sont gérées. Mais toutes les deux reposent sur la notion de dose journalière admissible (DJA), définie par l’OMS. Il s’agit de la quantité d’une substance qu’un individu devrait pouvoir ingérer chaque jour de sa vie, sans risque pour sa santé.

Ces valeurs guides sont définies en prenant en compte l’existence de populations sensibles, notamment les nourrissons et les femmes enceintes. Toutefois, selon les pays, les valeurs de concentration maximale acceptable peuvent varier. Dans le cas des nitrates, si la France et d’autres pays s’en tiennent à 50 mg/l appliquant la recommandation de l’OMS, le Canada et les Etats-Unis ont fixé une limite encore plus restrictive à 45 mg/l.

Quels sont les contrôles sur l’eau du robinet ?

L’eau du robinet fait partie des produits alimentaires les plus surveillés, si ce n’est le plus contrôlé. En 2019, 310 000 prélèvements d’échantillons d’eau et plus de 17 millions de résultats analytiques ont été réalisés.

D’abord les organismes en charge de la production et de la distribution ont l’obligation de réaliser des autocontrôles. Par ailleurs, les Agences régionales de santé (ARS) sont en charge d’une surveillance indépendante. Elles peuvent l’assurer elles-mêmes ou la déléguer à un prestataire homologué.

On opère des contrôles aux différentes étapes de la production et de la distribution de l’eau. Des prélèvements et des analyses sont réalisés au moment de la potabilisation avec l’inspection des installations de production. Mais les contrôles s’étendent aussi aux infrastructures de distribution : les lieux de stockage comme les châteaux d’eau, les canalisations, jusqu’au robinet du particulier…

Eprouvettes servant à l'analyse de la qualité de l'eau
Éprouvettes utilisées dans le cadre d’analyse de la qualité de l’eau

Les nitrates dans l’eau du robinet

On observe à l’état naturel des nitrates dans les eaux souterraines. Toutefois, la présence constatée dans l’eau du robinet provient aussi des activités humaines, tant industrielles qu’agricoles. Dans ce dernier cas, l’utilisation des engrais azotés et les lisiers d’élevage sont le plus souvent en cause.

Le seuil recommandé : 50 mg/L pour toute la population. Aucun seuil n’est spécifique aux femmes enceintes contrairement à ce que vous annoncent certains sites. En effet, dans son rapport sur la qualité de l’eau du robinet de 2012, le ministère de la santé précise : 

« Le Code de la santé publique fixe une limite de qualité pour les nitrates de 50 mg/L conformément à la Directive européenne 98/83/CE et aux recommandations établies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Entre 50 et 100 mg/L, la consommation de l’eau est déconseillée uniquement pour les femmes enceintes et les nourrissons. Au-delà de 100 mg/L, toute la population est concernée par la restriction de consommation. »

En 2019, près de 564 000 habitants ont été alimentés par une eau au moins une fois non conforme en raison de la présence de nitrates. Cela a pu entraîner une restriction temporaire de l’usage de l’eau du robinet pour la boisson, pour les nourrissons et les femmes enceintes.

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Pourquoi faut-il faire attention aux nitrates dans l’eau du robinet ?

Les nitrates se transforment dans le corps en nitrites. Or ceux-ci peuvent modifier les propriétés de l’hémoglobine du sang, en charge de véhiculer l’oxygène. Il faut donc être vigilant, en particulier durant la grossesse où la femme enceinte doit aussi alimenter le fœtus en oxygène.

Les principales régions françaises où s’observent les dépassements sont la Champagne-Ardenne, le Nord Pas-de-Calais, le Centre, la Bourgogne et l’Ile-de-France.

Par ailleurs, une étude publiée en 2021 basée sur 898 206 naissances au Danemark entre 1991 et 2011 a mis en évidence que l’apport maternel en nitrates provenant de l’eau potable peut impacter à la baisse le poids et la longueur de la naissance à terme. Toutefois les auteurs de l’étude indiquent en conclusion que d’autres études sont nécessaires pour confirmer ou réfuter leurs résultats.

Les pesticides dans l’eau du robinet

Les pesticides présents dans notre alimentation constituent une source d’angoisse croissante dans la population. Aussi dès 2013, l’ANSES a évalué la part que représente l’eau dans l’exposition alimentaire globale aux pesticides (sur la base de 106 substances). L’avis rendu a alors considéré que la contribution de l’eau à l’exposition alimentaire globale aux pesticides était généralement faible. La conclusion précise que :

« Concernant le risque à long terme (chronique), l’étude montre que la contribution de l’eau à la dose journalière admissible (DJA) est faible : elle est inférieure à 1%, sauf pour 2 substances et leurs métabolites : l’atrazine et le carbofuran aujourd’hui interdites. Pour ces substances, la contribution à la DJA est inférieure à 5%.« 

Souvent on retrouve une combinaison de pesticides dans les cours d’eau, que l’on peut retrouver ensuite dans l’eau du robinet. Aussi la teneur autorisée en pesticides est réglementée et prend en compte deux aspects simultanément :

  • À l’échelle d’un produit individuel, la plupart des pesticides doivent respecter une concentration de 0,10 µg/L au maximum. Seuls quelques-uns ont une contrainte plus importante à 0,03 µg/L.
  • En cumulé, tout pesticide confondu, un maximum de 0,50 µg/L est autorisé.

En 2019, année la plus récente disponible au moment où j’écris cet article, 91,9 % de la population a été alimentée en permanence par de l’eau respectant les limites de qualité réglementaires pour les pesticides.

Le cas du glyphosate

Les médias parlent très régulièrement du glyphosate. J’ai donc cherché à savoir ce qu’il en était tout de ce pesticide dans l’eau du robinet. Le bilan de 2017 faisait état de 3 prélèvements sur 7596 avec dépassement. Les derniers résultats de 2019 indiquent que seules 2 unités de distribution ont été déclarées non conformes en 2019 à cause d’un dépassement en glyphosate.

Le cas de l’atrazine

Si vous vivez dans une région d’agriculture intensive, les nappes phréatiques peuvent être contaminées. C’est en particulier le cas de l’atrazine : il fait partie des 5 molécules les plus présentes dans les situations de non-conformité constatées en 2019. Il est en cause dans les dépassements de 321 unités de distribution sur les 1 234 qui ont fait l’objet d’une non-conformité en 2019… Pourtant l’interdiction de cet herbicide, surtout utilisé pour désherber les cultures de maïs, remonte à 2003 !!

L’étude PÉLAGIE suit près de 3500 mères-enfants en Bretagne depuis 2002. A partir de 600 échantillons d’urines de femmes enceintes, elle a mis en évidence

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  • de rares traces d’exposition à l’atrazine (6% des échantillons)
  • et, plus fréquemment, la présence de formes dégradées (20-40%).

Elle a conclu que « les femmes ayant des traces d’atrazine ou d’une de ses formes dégradées dans les urines ont 50% de risque supplémentaire d’avoir un enfant de petit poids à la naissance et 70% de risque supplémentaire d’avoir un enfant avec un petit périmètre crânien à la naissance. »

En revanche cette étude n’a pas mis en évidence de lien entre l’atrazine et le risque de malformations congénitales.

Le plomb

Le seuil recommandé : 10 µg/L

Longtemps, le plomb a été utilisé dans les tuyaux des systèmes de distribution d’eau. Aujourd’hui, sa présence de plomb dans l’eau vient de sa dissolution progressive. C’est pourquoi, les collectivités territoriales ont entrepris des travaux sur les canalisations sur les 15 dernières années. Leur objectif est de remplacer les branchements et tuyaux fabriqués en plomb.

Votre mairie ou le responsable de la distribution en eau peut vous renseigner pour savoir si la partie publique des canalisations est ou non faite de plomb. Ensuite pour la partie privée des canalisations, cela dépend de l’âge de votre bâtiment. Si la construction date d’après 1955, les canalisations des réseaux intérieurs ont peu de chance d’être en plomb.

Pour plus de détails, je vous invite à consulter les moyens de diminuer l’exposition au plomb dans l’eau recommandés par le Ministère de la Santé.

Comment savoir si mon eau du robinet respecte bien les normes en vigueur

Le maire se trouve dans l’obligation de communiquer à sa population les résultats des analyses du contrôle sanitaire des eaux. Que ces résultats soient conformes ou pas, votre mairie doit les afficher pour informer la population sous 2 jours ouvrés.

Toutefois, en cas de problème lié à la qualité de l’eau distribuée, l’obligation d’information pour les usagers est immédiate quand il y a un risque pour la santé. Des recommandations peuvent compléter cette alerte comme une restriction d’utilisation pour les populations sensibles comme les nourrissons. Donc normalement l’information vient à vous : future maman, vous devriez être avertie. En l’absence d’alerte, vous pouvez donc bien boire de l’eau du robinet enceinte.

Dans le cas de la Guadeloupe, les médias locaux relaient les alertes déclenchées par voie de communiqué de presse par les mairies. La population doit arrêter temporairement sa consommation d’eau, pour l’alimentation et le brossage des dents. Cette situation se présente en particulier en cas de dépassement du taux de chlordécone. Dans ce cas là, renoncer à boire à l’eau du robinet enceinte s’impose aux futures mamans comme à toute la population.

Si vous voulez connaître les résultats de votre commune, rendez-vous sur le site du Ministère de la santé et utilisez la carte pour accéder aux données de votre département.

En guise de conclusion

Les femmes enceintes ne prennent pas de risque à consommer de l’eau du robinet enceinte. En effet, la qualité de l’eau fait régulièrement l’objet de contrôles stricts et tout dépassement mettant en danger la santé fait l’objet d’une procédure d’alerte immédiate. En l’état, si la présence de pesticides est attestée dans l’eau du robinet, la position de l’ANSES établit que l’eau contribue faiblement à la dose journalière admissible.

Sources & référence sur l’eau du robinet

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Anne-Laure
Anne-Laure est la maman d'un petit garçon de 6 ans. Fondatrice de Petite Crapule, depuis sa grossesse elle n'a pas arrêté de s'informer sur la maternité et la parentalité. Elle partage ici ses recherches et expériences de maman blogeuse, entrepreneure et auteure.

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